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Antoine Emaz
10/04/2008 17:33
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Angers,<br />
le 2 mars 2008<br />
Chère Danielle,<br />
<br />
De retour sur mes terres angevines et après un peu<br />
de repos, je veux te remercier ainsi que Pierre et tous les enseignants pour<br />
ces deux jours à Apt.<br />
Si j’essaie de faire un bilan, il y a un point sombre,<br />
mais nous étions prévenus : la fatigue. Six ou sept heures de rencontres avec les classes<br />
plus une heure de lecture, cela fait beaucoup pour nous poètes qui avons autant<br />
besoin de parole que de silence. Mais je reconnais que tu nous avais prévenus,<br />
qu’il est difficile d’organiser autrement l’ensemble sur deux jours ( 3 si je<br />
compte l’aller-retour), et que les poètes au printemps sont plus stressés que<br />
durant le reste de l’année. Je reconnais aussi qu’il est plus facile de nous<br />
adapter à un groupe-classe-enseignant qu’à un public de deux classes mêlées par<br />
exemple ; il n’y a plus alors de cohérence du groupe, ce qui accroît la<br />
difficulté de prise de parole pour les élèves et pour nous, celle de situer<br />
vite le public pour pouvoir « accrocher ». En outre, il est normal que chaque classe veuille rencontrer<br />
« son » poète et intégrer cette rencontre dans son histoire<br />
particulière de classe.<br />
<br />
Pour les points positifs, ils sont nombreux.<br />
1) L’accueil et<br />
l’accompagnement. Valérie, Jean-Pascal et moi avons toujours senti ta présence,<br />
ainsi que celle de Pierre et de la documentaliste comme un soutien. Il n’est<br />
pas forcément facile pour un poète de s’exposer, de se mettre en jeu face à un<br />
public scolaire qui peut tout à fait être critique devant un mode d’écriture qu’il<br />
découvre et qui le surprend. En ce sens, il est important que chaque poète se<br />
sente bien, comme en sécurité, avant ou après chaque rencontre. Nous avons<br />
toujours eu ce sentiment d’être écoutés, entourés.<br />
2) Les rencontres avec<br />
les classes. J’ai été frappé par la diversité des publics et la diversité des<br />
approches faites par les enseignants. Cela nous demande un peu de souplesse et<br />
d’adaptation, mais c’est très riche au bout, tant pour nous que pour les<br />
élèves. Par exemple, partir de la production des élèves (« La poésie<br />
c’est… ») est un très bon lanceur de dialogue ; de même, pouvoir<br />
parler avec les collégiens et les lycéens de ce qu’est un livre, du milieu de<br />
l’édition, des possibilités du livre d’artiste… Visiblement, tout cela a ouvert<br />
des perspectives, y compris pour des élèves qui ne souhaitent pas écrire mais<br />
s’intéressent ou créent en musique, en photo…<br />
3) Je crois toujours<br />
autant, comme poète et comme enseignant, à la nécessité absolue pour les élèves<br />
de rencontrer des auteurs en chair et en os. Cela peut changer profondément le<br />
contact avec la page écrite dès lors que l’on a compris qu’une page est une<br />
peau.<br />
4) Je trouve excellente<br />
l’idée de lecture de leurs poèmes par les élèves, à la médiathèque, le jeudi<br />
soir. L’aspect festif de cette rencontre et la présence très forte des parents<br />
est une vraie réussite. Bien sûr, tous ne deviendront pas poètes par magie,<br />
mais tous auront compris que la langue peut-être plaisir et occasion de<br />
s’exprimer (je pense au petit gitan…) Ce point est très important : je repense<br />
à une classe de 4° de prime abord difficile et devenue très réceptive dès lors<br />
que nous sommes arrivés sur un terrain vrai d’échange humain. La poésie est en<br />
prise avec vivre autant qu’avec la langue. Lorsque l’élève a compris cela, que<br />
le poème s’adresse à lui, et qu’il peut utiliser le poème pour s’adresser aux<br />
autres… tout devient possible.<br />
<br />
Durant ces deux jours à Apt, tu nous as permis de<br />
faire du beau et du bon travail. Merci à toi, et à toute l’équipe. Continuez.<br />
Amicalement<br />
Antoine<br />
Emaz
DU GOÛT DE LIRE EN PAYS D’APT<br />
A vous qui oeuvrez bénévolement pour donner cela aux enfants d’Apt, le goût de lire, à Danielle Bruel, Pierre et Cie je tiens à exprimer toute ma gratitude. Je pense en effet que pour une meilleure éducation artistique, qu’il s’agisse de poésie, de musique ou d’arts plastiques, la visite d’un créateur aux classes peut s’avérer tout à fait bienvenue, tant pour celui-ci que pour celles-là. Petite, j’aurais sans doute été ravie de rencontrer un poète dont j’aurais lu quelques textes, d’avoir l’opportunité de dialoguer avec lui, avec elle (et de m’apercevoir qu’il n’y a pas que des grands-pères à barbe blanche qui écrivent et publient de la poésie !)… Les jeunes auxquels j’ai lu des poèmes, avec lesquels j’ai pu parler m’ont surprise la plupart du temps par leur accueil chaleureux, leur curiosité réjouissante. Certes il n’y eut pas deux rencontres identiques et certaines avaient été mieux préparées que d’autres mais globalement mon bilan personnel est positif : il s’agissait bien toujours de notre humanité, là, et si selon Guillevic « la poésie est une réponse qui interroge » elle est aussi un art de vivre, quelque chose qui grandit l’homme, une affaire de mémoire et de liberté. C’est ce que j’ai essayé de dire à mes publics de petits enfants, de jeunes de cinq à dix-sept ans. C’est ce que mes poèmes disent aussi, mais là j’étais présente pour répondre aux questions, parler de ce qui est entre les lignes aussi ! Des actions telles que les vôtres devraient être reconnues d’utilité publique en cette époque d’abrutissement général où la « Star Ac’ » semble incarner LE rêve d’une jeunesse sans utopie ni repères. Et pour nous autres, en l’occurrence les poètes que vous avez si généreusement invités, il s’agit aussi de notre travail sur le terrain, il s’agit aussi de ne pas se complaire dans de dépassées tours d’ivoire… Avec mes meilleures pensées,<br />
Valérie Rouzeau